Giuseppe Ungaretti
Giuseppe Prezzolini et «La voce»
(«Don Quichotte», 15 avril 1920)

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Quand le moment sera venu d'écrire l'histoire des idées qui ont formé la jeunesse italienne de ces dernières vingt années, le nom de Giuseppe Prezzolini aura sans doute la place d'honneur.
Ce n'est pas pourtant un philosophe bien qu'il ait fait maintes explorations dans les œuvres de la sagesse; ce n'est pas sociologue lui qui, parmi les premiers, a divulgué par un livre clair les théories syndicalistes en Italie: il lui manque la qualité essentielle de l'historien, la sérénité qui permet de s'abstraire, dans le recul des temps, et il a su écrire sur la France du XIXe siècle trois cents pages d'une précision absolue; il ne possède non plus la folie des mystiques, et ses écrits sur Novadis sont quand même d'une émotion d'homme que la grâce a touché.
Qu'est-ce donc que Prezzolini? Est-ce un poète? Est-ce un philologue?
Cet homme qui méprise la rhétorique et n'a d'autres préoccupations que celle d'exprimer sincèrement sa pensée, nous a donné parfois de brèves remarques subtiles sur l'usage du subjonctif chez certains auteurs, sur les différentes situations de la conjonctions dans le discours, sur l'évolutions des métaphores nous dévoilant une science qui lui auraient enviés les plus versées dans ces sophismes, un Proust, un Thibaudet, un Paulhan.
Il m'est arrivé aussi de voir chez lui, au milieu d'un discours contre le protectionisme, ou d'une polémique en faveur de la liberté de l'enseignement, ou ailleurs, comme un éclaircissement subit de ciel, une phrase où le sentiment de la nature éclatait sous une forme poétique émouvante.
Mais Prezzolini n'est qu'un animateur; il ne veut avoir que ce grand rôle, et si modeste!
Ses impatiences, ses changements brusques d'idées, son inquiétude, sa passion ne sont dus à aucune ambition de se spécialiser en quoi que ce soit; mais simplement à un besoin -je voudrais dire apostolique- de se mettre ses concitoyens au courant de ce qui, d'après lui, dans n'importe quel domaine (science, histoire, politique, art) est le meilleur de l'activité intellectuelle en Italie, et dans le monde, à ce moment-là.
On pourrait lui reprocher de se laisser un peu trop séduire par le succès des idées plutôt que par les idées elles-mêmes: le succès est en effet, une preuve de vitalité, il reste encore à démontrer que c'est en même temps une garantie de bonté.
Prezzolini a fondé la «Voce» à Florence en 1908. C'était une revue qui paraissait toutes les semaines dans le format habituel des journaux.
Il avait fais ses premières armes quelques années auparavant au «Leonardo» de Papini, la revue que cet homme de génie, presqu'encore un enfant alors, devait lancer comme un énorme obus sur tout ce qui était en vogue à l'époque, et où se trouver le grain de tout ce qui fleurit chez nous aujourd'hui.
Prezzolini se proposait de poursuivre l'œuvre du «Leonardo», mais d'une façon plus disciplinée, avec moins de lyrisme, d'esprit nihiliste et créateur, mais avec plus de réflexion critique et de calcul constructif.
On était moins artiste qu'au «Leonardo» à la «Voce»; des soucis pratiques, presque une idée religieuse de l'étude en vue de se préparer à constituer une classe dirigeante en Italie, pleine de probité, stimulait les écrivains qui s'y rencontraient.
Après quelques années, l'œuvre la «Voce» ayant atteint un vaste rayonnement, quelques-uns de ses collaborateurs étant devenus les principaux rédacteurs des grands organes politiques de la péninsule, Prezzolini fondait aussi une maison d'édition, afin d'exposer de manière poussée à fond, comme il serait impossible de la faire dans les journaux et les revues, au moyen de livres, les questions du jour.
Mais peu à peu, les soucis de Prezzolini étaient devenus presque exclusivement pédagogiques. Une sorte d'armée du salut devait germer à cette heure dans ses rêves. Un homme du tempérament de Prezzolini peut être toujours la victime d'enthousiasmes exagérés. Heureusement, son intelligence, si positive, ne tarde jamais à intervenir.
C'est au cours de cette période qu'une partie de ses camarades ayant surtout des buts d'art, se séparent de lui et fondent «Lacerba». D'autres, par contre, l'avaient abandonné à cause de ses manifestations de sympathie pour certaines œuvres d'artistes d'avant-garde.
Il donne enfin à la «Voce» une tourne de catéchisme hégélien.
Elle ne pouvait durer ainsi, et en 1915, elle se transforme encore en deux éditions, l'une politique et l'autre littéraire; en 1916 elle cesse de paraître.
Depuis un an Prezzolini a transporté sa librairie à Rome où elle s'est établie en société anonyme.
Prezzolini a repris ses conceptions de la première «Voce»; c'est-à-dire qu'il considère de nouveau tous les problèmes sous le même angle: l'art n'a pas à prévaloir sur la religion, ni celle-ci sur la sociologie, ni la sociologie sur les finances, ni ces dernières sur la médecine et ainsi de suite; il s'agit de préparer l'intelligence à tout comprendre, à élever les qualités morales du citoyen, et à offrir ce qui, dans les différents domaines, a été fait de plus parfaitement «actuel».
Pour nous rendre compte de la façon à laquelle il revient pour poursuivre sa tâche, nous n'aurons qu'à feuilleter son catalogue.
Nous trouverons d'abord les cahiers de la «Voce». A côté d'un livre sur la réforme de la bureaucratie, nous verrons un livre de très belle poésie de Jahier; près d'un livre lyrique sur la guerre d'un de nos soldats morts, un livre sur «le pacte de Rome» composé par les écrivains en vue du «Corriere della Sera»: en face du livre d'un économiste comme Umberto Ricci, un livre d'un romancier comme Panzini; après un essai sur la politique étrangère de Francesco Crispi, dû à la plume de Salvemini, les pages amères et étincelantes de cet écrivain mort en 1917, qui nous font penser aux artistes troublés du temps de Port-Royal, aux Racine et aux Pascal, cette «Blessure mal fermée» de notre inoubliable Boine.
La «Voce» publie en outre une revue sur les problèmes de l'éducation nationale; une histoire générale de la pensée scientifique: les œuvres de Renato Serra, notre critique littéraire le plus doué, mort à la guerre; une revue sur les problèmes de la vie italienne, «l'Unità» dirigée par Salvemini; «le livre pour tous» destiné à faire connaître les littératures étrangères: une revue littéraire de premier ordre, «La Ronda»; des albums de peinture et de musique, etc.
Enfin, au siège de la «Voce», Trinità dei Monti, 18, Rome, fonctionne un institut bibliographique italien qui se charge de tout renseignement dont une personne studieuse pourrait avoir besoin.
Me suis-je trompé en signalant Prezzolini comme un prodigieux animateur?

 

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Giugno 2003, n. 1